Monsieur l'assureur,
Je vous écris en réponse à la demande d'informations
complémentaires concernant mon accident de travail du 8 novembre
dernier. J'ai précisé:
"manque de chance" dans la case réservée aux "causes
du sinistre" et vous me demandez des précisions.
Je suis couvreur de formation. Le jour de l'accident, je travaillais
seul sur le toit d'un immeuble de 6 étages. Une fois le travail
terminé, cet après-midi-là, j'ai constaté
qu'il restait environ 280 tuiles, ce qui représente un poids
de près de 120 Kg. Plutôt que de descendre les tuiles à
la main, j'ai décidé de les placer dans un monte-charge
manuel qui fonctionnait grâce à une poulie fixée
au 6e étage.
J'ai donc chargé les tuiles dans la caisse du monte-charge sur
le toit et suis redescendu au bas de l'immeuble pour procéder
à la descente du chargement. Je tenais fermement la corde pour
assurer la sécurité de cette manoeuvre. Comme vous le
noterez dans mon fichier médical ci-joint, mon poids est actuellement
de 68 Kg.
Dès que le monte-charge s'est retrouvé suspendu en l'air,
j'ai été irrésistiblement attiré vers le
haut et, je le reconnais, n'ai pas eu la présence d'esprit de
lâcher la corde. J'ai donc progressé à grande vitesse
vers le haut de l'immeuble et, au niveau du troisième étage,
j'ai rencontré le monte-charge qui, lui, progressait à
la même vitesse en sens inverse. Cela explique la fracture du
crâne que je vous ai mentionnée dans mon courrier précèdent.
Mon ascension s'est toutefois ralentie au niveau du 6e étage
et s'est arrêtée lorsque mon index et mon majeur se sont
retrouvés coincés dans la poulie. Cela détaille
les nombreuses fractures de ma main droite que j'avais mentionnées.
Suspendu en l'air et malgré la douleur intense, je n'ai pas lâché
prise.
Mais au même moment, le monte-charge percuta le sol à
vive allure, ce qui brisa net le fond de la caisse. Toutes les briques
éclatèrent et se répandirent sur le sol. Le monte-charge
endommagé pesait à présent environ 20 Kg, si bien
que, comme je tenais toujours fermement la corde, j'ai commencé
une rapide descente vers le bas.
Au niveau du troisième étage, comme vous l'imaginez,
j'ai rencontré le monte-charge à très grande vitesse,
ce qui explique les quatre dents cassées et les deux côtes
enfoncées que je vous ai reportées précédemment.
Cette percussion du monte-charge a toutefois ralenti quelque peu ma
descente si bien que mon atterrissage sur le tas de tuiles brisées
ne m'a causé qu'une simple fracture du genou.
Le fait que je ne mentionne nulle part dans ce rapport la cause exacte
de l'enfoncement de la cage thoracique que j'ai pourtant déclaré
dans ma lettre précédente ne vous aura sans doute pas
échappé. J'ai en effet le regret de vous informer que
me retrouvant ainsi étendu sur un tas de tuiles brisées
avec de multiples fractures, je n'ai pas eu la présence d'esprit
de tenir la corde quelques secondes de plus.
J'étais donc dans l'incapacité totale de bouger lorsque
le monte-charge de 20 Kg a entamé sa rapide redescente...
Très cordialement,